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La Trajectoire de Réchauffement de Référence pour l’Adaptation au Changement Climatique (TRACC)La Trajectoire de Réchauffement de Référence pour l’Adaptation au Changement Climatique (TRACC), mise en place dans le cadre du nouveau Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC-3), définit le climat auquel les territoires français doivent se préparer tout au long du 21e siècle. L’objectif est d’établir une référence commune pour élaborer des stratégies d’adaptation au changement climatique. La TRACC se distingue de l’objectif national d’atténuation fixé par l’Accord de Paris. Elle repose sur les engagements actuels des États en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Giec estime qu’en l'absence de mesures additionnelles, le réchauffement planétaire atteindra environ +1,5 °C en 2030, +2 °C en 2050 et +3 °C en 2100 par rapport à la période préindustrielle. La TRACC décline ces trois niveaux de réchauffement planétaires en réchauffement régional sur les territoires français, en tenant compte des contrastes géographiques.
La TRACC se décline à ce jour sur : • La France hexagonale et la Corse, • Mayotte Des travaux complémentaires sont en cours pour les autres outre-mer.
Le dernier rapport du GIEC (AR6; IPCC 2021) a mis en avant une approche visant à documenter le climat de la planète pour différents niveaux de réchauffement. L’objectif est de décrire le climat dans un monde à un niveau de réchauffement donné, plutôt qu’à une échéance et pour un scénario d’émissions donnés. On parlera donc par exemple du climat pour un niveau de réchauffement planétaire de +2°C par rapport à la période pré-industrielle (Figure 1). Figure 1 : Changement de température moyenne annuelle (°C) par rapport à 1850-1900 pour les niveaux de réchauffement planétaires +1.5°C (à gauche), +2°C (au centre) et +4°C (à droite). Source : AR6, Figure SPM5(b). Cette approche repose sur l’hypothèse selon laquelle, à un niveau de réchauffement planétaire donné, les changements climatiques, leurs impacts et les risques qui y sont liés sont les mêmes pour tous les scénarios d’émissions envisagés et indépendants du moment où ce niveau est atteint. De nombreuses études ont montré que, pour la plupart des variables climatiques, la réponse régionale à un niveau de réchauffement donné est cohérente entre les différents scénarios d’émissions. La cohérence est plus élevée pour les variables liées à la température que pour celles du cycle hydrologique (IPCC 2021, Cross-Chapter Box 11.1). Même pour les précipitations moyennes, les différences liées au choix du scénario dans la réponse à un niveau de réchauffement planétaire donné sont inférieures à l'incertitude liée aux modèles et à la variabilité interne (Herger et al., 2015). Cependant, pour les variables à réponse lente et à forte inertie, telles que les glaciers et le niveau de la mer par exemple, l’approche par niveau de réchauffement sans référence temporelle est peu pertinente, car la réponse dépend du moment où le niveau de réchauffement est atteint et de la trajectoire suivie. L’approche par niveau de réchauffement planétaire établit un lien direct entre les objectifs des négociations internationales (e.g., accord de Paris visant à limiter le réchauffement sous la barre des +2°C) et les impacts locaux en facilitant la comparaison des changements attendus par pays, par exemple au niveau européen. Elle permet aussi de restaurer une certaine cohérence entre les résultats des modèles individuels malgré des rythmes de réchauffement différents (e.g., un modèle CMIP6 est déjà à +2°C de réchauffement en 2022 alors qu’un autre n’atteint +2°C qu’en 2069). En raisonnant à +2°C de réchauffement planétaire, tous les modèles redeviennent pertinents pour décrire les changements climatiques correspondant à un tel réchauffement. Sur la base des projections du 6ème rapport du GIEC, la TRACC s’appuie sur trois niveaux de réchauffement planétaire, atteints à trois horizons temporels, selon un scénario cohérent avec la poursuite des politiques climatiques internationales actuellement mises en œuvre : • un niveau de réchauffement planétaire limité à +1.5°C en 2030 : Le réchauffement mondial de +1.5°C par rapport à l’ère pré-industrielle sera atteint dès le début des années 2030, sauf baisse drastique et immédiate des émissions mondiales ; • un niveau de réchauffement planétaire atteignant 2°C en 2050 : Jusqu’en 2050, la plupart des scénarios du GIEC ne diffèrent pas significativement et conduisent à un réchauffement planétaire proche de +2°C ; • un niveau de réchauffement planétaire atteignant 3°C en 2100 : Ce niveau se situe entre le réchauffement auquel conduisent les engagements annoncés par les États (+2.8°C en 2100) et le réchauffement auquel conduisent les politiques mondiales en place fin 2020 (+3.2°C en 2100). Rappelons que d’autres trajectoires climatiques futures sont possibles. La limitation du réchauffement mondial à +2°C est possible si de très fortes réductions d’émissions de gaz à effet de serre sont faites après 2030 et si la neutralité carbone mondiale est atteinte en deuxième partie du 21e siècle. A l’inverse, un recul des mesures actuellement mises en place à l’échelle internationale, une réponse du climat plus forte qu’anticipée par les modèles, ou un affaiblissement des puits de carbone mènerait à un réchauffement plus fort.
Sachant que le réchauffement climatique varie spatialement en tout point du globe, ces niveaux de réchauffement planétaire sont traduits en niveaux de réchauffement régional pour chacun des territoires français. Pour établir cette correspondance, on s’appuie sur des méthodes statistiques dites de « contraintes observationnelles » qui combinent modèles et observations. Pour la première fois, dans l’AR6, le GIEC a fait le choix de baser ses estimations du réchauffement planétaire attendu, non pas uniquement sur les projections climatiques, mais sur des combinaisons statistiques de modèles et d’observations (méthode dites de « contraintes observationnelles »). Des travaux menés à Météo-France ont consisté à proposer une nouvelle méthode statistique permettant de réaliser ce type de combinaison, et prenant en compte les simulations CMIP6 et l’ensemble des observations historiques (Ribes et al., 2021). Les résultats obtenus sur le réchauffement planétaire moyen indiquent une réduction importante de l’incertitude, et ont contribué à l’évaluation du réchauffement planétaire du GIEC (IPCC 2021, Section 4.3.4). Une première application régionale a été menée à l’échelle de la France métropolitaine et la Corse (Ribes et al., 2022). Cette méthodologie a été également appliquée sur les outremers permettant d’établir pour chaque niveau de réchauffement planétaire de la TRACC les niveaux de réchauffements régionaux correspondant. Pour répondre aux besoins des acteurs de l’adaptation, les niveaux de réchauffement régionaux sont déclinés en termes de changement climatique à l’échelle des territoires sur la base d’ensembles spécifiques de projections climatiques régionales.
Pour chaque niveau de réchauffement planétaire : a) on détermine le réchauffement régional correspondant à partir des données contraintes par les observations, b) on identifie dans chacune des simulations régionales l’année à laquelle ce réchauffement régional est atteint, c) on décrit le climat local sur la période de 20 ans centrée sur cette année à partir de l’ensemble des simulations régionales. Plus de détails sur la mise en oeuvre de ces étapes [lien page métropole]
Herger, N., B.M. Sanderson, and R. Knutti, (2015). Improved pattern scaling approaches for the use in climate impact studies. Geophysical Research Letters, 42(9), 3486–3494, doi: 10.1002/2015gl063569. IPCC, 2021: Climate Change (2021). The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, 2391 pp. doi:10.1017/978100915789. Ribes, A., Boé, J., Qasmi, S., Dubuisson, B., Douville, H., and Terray, L. (2022). An updated assessment of past and future warming over France based on a regional observational constraint, Earth Syst. Dynam., 13, 1397–1415, https://doi.org/10.5194/esd-13-1397-2022. Ribes, A., Qasmi, S., and Gillett, N. P. (2021). Making climate projections conditional on historical observations, Sci. Adv., 7, eabc0671, https://doi.org/10.1126/sciadv.abc0671.
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