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L’incertitude liée à la modélisation climatique est complexe, mais sa prise en compte dans l’interprétation des résultats est absolument fondamentale.
La représentation des incertitudes apparaît ainsi comme un élément clé pour la communication des résultats de projections climatiques et doit rester facilement interprétable par l’ensemble des publics concernés, qu’il soit issu de milieu scientifique ou pas.
Nous présenterons dans cette section les outils communément employés pour représenter les incertitudes, en nous focalisant sur ceux utilisés dans le 4ième volume du rapport "Climat de la France au XXIe siècle" de l’ONERC.
Ce dernier se concentre sur les horizons les plus lointains du XXIe siècle (2021-2050 et 2071-2100). A ces échéances les plus lointaines, les principales sources d’incertitude sont liées à l’incertitude sur les modèles de climat (incertitude épistémique), et à celle sur les scénarios (incertitude réflexive) (Hawkins et Sutton, 2011). Ainsi dans le rapport de l’ONERC, une approche multi-modèles pour chaque scénario RCP est utilisée.
Cette approche permet de représenter la dispersion des modèles, c'est-à-dire l’ensemble des valeurs que peut prendre un paramètre donné, comme par exemple la température ou les précipitations. Ce spectre de valeurs représente l’incertitude liée à l’outil de modélisation : un même paramètre simulé par plusieurs modèles pourra par exemple avoir des valeurs différentes.
Des outils statistiques simples permettent de quantifier et de décrire cette dispersion inter-modèles ; le plus courant d’entre eux est le quantile.
Le quantile :
Le quantile est un outil statistique permettant de décrire un ensemble de données (comme par exemple l’ensemble des valeurs d’un paramètre simulées par plusieurs modèles de climat), et notamment la répartition de cet ensemble. Ils correspondent aux valeurs remarquables permettant de diviser le jeu de ces données ordonnées (i.e. triées) en intervalles consécutifs contenant le même nombre de données.
Certains quantiles ont des noms particuliers :
Par exemple, un quartile est chacune des 3 valeurs qui divisent les données triées en 4 parts égales, de sorte que chaque partie représente 1/4 de l'échantillon de population.
Ou encore un centile est chacune des 99 valeurs qui divisent les données triées en 100 parts égales, de sorte que chaque partie représente 1/100 de l'échantillon de population.
Ainsi :
Le 1er centile est la valeur seuil pour laquelle 99% des valeurs de la distribution sont plus élevées (la probabilité de dépasser le 1er centile est de 99%)
Le 1er quartile est la valeur seuil pour laquelle 75% des valeurs de la distribution sont plus élevées (la probabilité de dépasser le 1er quartile est de 75%)
La médiane est la valeur seuil pour laquelle 50% des valeurs de la distribution sont plus élevées (la probabilité de dépasser la médiane est de 50%)
Le 3ième quartile est la valeur seuil pour laquelle 25% des valeurs de la distribution sont plus élevées (la probabilité de dépasser le 3ième quartile est de 25%)
Le 99ème centile est la valeur seuil pour laquelle 1 % des valeurs de la distribution sont plus élevées (la probabilité de dépasser le 99ème centile est de 1%)
Exemple de quantile sur un paramètre atmosphérique :
Prenons par exemple l’évolution de la température moyenne du mois de Décembre en France sur les 50 dernières années (en anomalie par rapport à la normale 1981-2010) :
Avant de calculer les quantiles de cette variable aléatoire, il faut en classer (ordonner) les valeurs. La répartition de ces valeurs peut facilement se visualiser à l’aide d’un histogramme :
L’histogramme représente la répartition (la distribution) des années par classe d’anomalie de température, des valeurs d’anomalies les plus faibles vers les valeurs les plus fortes. Sur l’exemple choisi, on constate que sur les 50 dernières années en France, il y a eu beaucoup d’années avec des températures de décembre autour d’une anomalie nulle (entre -1 et 1°C) et de rares années avec des valeurs d’anomalies supérieures à 3°C et inférieures à -3°C
A partir de l’histogramme, il est possible de visualiser des paramètres statistiques qui nous intéressent. Dans notre exemple, le premier quartile (Q25 ou C25), la médiane (Q50 ou C50) et le troisième quartile (Q75 ou C75) :
Visualisation des incertitudes :
Il existe différentes façons de représenter les incertitudes, mais une des plus courantes est celle nommée ‘boîte à moustache’, qui permet de mettre en évidence les caractéristiques d’une distribution (valeur médiane, quantiles, valeurs extrêmes) et d’évaluer ainsi la dispersion globale des modèles. Pour représenter l’évolution d’une variable au fil du temps, on utilisera des graphes temporels sur lesquels on peut superposer ou adjoindre des boîtes à moustache. Pour une représentation spatiale il est également possible d’élaborer des cartographies des paramètres de distribution (carte de quantile d’anomalie de température par exemple). Ces outils de visualisation sont présents dans le 4ième volume du rapport "Climat de la France au XXIième siècle" de l’ONERC (cf. figure ci-dessous) et sont présentés plus en détails dans la section suivante.
Dans l’exemple ci-dessous, le graphique de gauche représente la courbe d'évolution de la température en France au cours du 21e siècle, avec la moyenne d'un ensemble de modèles en trait plein, et la dispersion (distribution inter-modèles) représentée par l'enveloppe rouge - 10ième et 90ième centiles.
D'après le 4ième volume du rapport "Climat de la France au XXIième siècle" (Ouzeau et al, 2014).
Le graphique du milieu est une boîte à moustache qui représente la répartition des valeurs d’un paramètre donné, simulées par un ensemble de modèles, pour la période 2071-2100 (il peut également être calculé pour chaque année). Cet outil représente des valeurs particulières de la distribution inter-modèles : la valeur minimale, la valeur maximale, le premier (25%), et troisième quartiles (75%), et la médiane (50%). La forme de la boîte à moustache permet de caractériser la distribution : une forme allongée (à l’inverse, serrée) met en évidence une distribution dispersée (à l’inverse, concentrée). Cet outil permet également de mettre en évidence des valeurs exceptionnelles.
Enfin les cartes de droite représentent la distribution spatiale, c'est-à-dire la valeur pour chaque point de grille, des premier (C25) et troisième (C75) quartiles.
Il est possible de retrouver ces résultats en détails ainsi que d’autres dans le 4ième volume du rapport "Climat de la France au XXIième siècle" .
Liens et références :
- Guide de l'incertitude du portail européen pour l'adaptation au changement climatique
- 4ième volume du rapport "Climat de la France au XXIe siècle"
Boé, J., 2007 : « Changement global et cycle hydrologique : Une étude de régionalisation sur la France ». Thèse de Doctorat, Université Paul Sabatier - Toulouse III, 256 pp.
Pagé, C. et L. Terray, 2010 : Nouvelles projections climatiques à échelle fine sur la France pour le 21ème siècle : les scénarii SCRATCH2010. Technical Report TR/CMGC/10/58, SUC au CERFACS, URA CERFACS/CNRS No1875, Toulouse, France.