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L’essentiel
Le mois de décembre 2015, le plus chaud jamais observé en France, a été étudié à partir de plusieurs méthodes afin de déterminer le rôle éventuel du changement climatique dans son apparition. Les températures élevées sont largement due aux vents de sud soufflant au cours du mois, mais l’intensité de cet événement est 0,25°C à 0,6°C plus élevée que ce qu’elle aurait été avec les mêmes vents dans un climat avec moins de gaz à effet de serre. Les simulations climatiques utilisées ne contiennent aucun cas de températures aussi élevées à la fin du XXème siècle alors que quelques cas apparaissent dans la période actuelle. Ce type d’événement est donc extrêmement peu probable dans un climat sans influence humaine, mais deviendra de plus en plus probable au cours du XXIème siècle sans réduction d’émission de gaz à effet de serre.
L'événement
Le mois de décembre 2015 a été le mois de décembre le plus chaud depuis le début des données dont nous disposons, avec une anomalie de 3,9°C par rapport à la moyenne de référence sur la période 1949-2015. Cette anomalie de température, loin devant 1934 et 2000 (anomalies de +2 ,8°C), a touché l’ensemble de l’Europe, en particulier l’Allemagne et la France. Les températures sont supérieures à celles d’un mois de mars. En moyenne sur la France et sur le mois, les maximales ont dépassé 13°C, soit près de 4°C au-dessus de la normale. La durée de l’épisode de douceur a été remarquable pour la saison, comme en témoigne le faible nombre de jours de gel notamment sur la moitié nord du pays.
Il a été accompagné par une anomalie anticyclonique persistante. La pluviométrie a également présenté un caractère exceptionnel : les cumuls ont été extrêmement faibles pour cette période de l’année sur l’ensemble du pays comme le nombre de jours de pluie significative(cumul quotidien supérieur ou égal à 1mm). Seuls le sud de la Bretagne et la Loire-Atlantique ont présenté un déficit moins important. En moyenne sur la France et sur le mois, la pluviométrie, déficitaire de plus de 70 %, a été la plus faible enregistrée en décembre sur la période 1959-2015.
L’étude de cet événement s’appuie sur l’indicateur thermique national, moyenne de la température sur 30 sites régulièrement répartis en France. Le caractère exceptionnel de ce mois peut aussi être mis en évidence par la combinaison des anomalies mensuelles de température et précipitation (Figure 1).
Figure 1 : Caractérisation des mois de décembre en France en rapport à la normale (moyenne 1981-2010) pour les précipitations en pourcentage de cette normale (axe des abscisses) et écart à la normale des températures en degré Celsius (axe des ordonnées).
Comment un tel événement est-il lié au changement climatique ?
Avec une circulation atmosphérique similaire, les températures auraient-elles été aussi élevées dans un climat avec moins de gaz à effet de serre ?
Deux méthodes, dites « d’attribution conditionnelle » car prenant en compte a priori l’événement de 2015, ont été utilisées pour y répondre. La première repose sur les analogues de circulation. On compare les températures reconstituées à partir de circulations analogues à celles du mois de décembre reconstituées en piochant des jours dans la période récente (1982-2014) ou plus ancienne (1949-1981).
Dans les deux cas la circulation (vents de sud) permet d’expliquer une grande partie de l’anomalie de température observée (en moyenne, les températures analogues sont de 2,3°C d’anomalie sur 4°C au total). Mais la différence d’anomalies de température à circulation fixée entre les périodes ancienne et récente est de 0,6°C environ.
La seconde méthode repose sur des simulations régionales réalisées à partir du modèle WRF, en réalisant deux ensembles de simulations de l’événement avec des hypothèses différentes sur les températures de surface de la mer et les concentrations de gaz à effet de serre. Avec cette méthode nous estimons à 0,25°C l’effet moyen des activités humaines simulé.
Figure 2 : Valeurs de retour de l'indicateur thermique pour le mois de décembre en fonction de la période de retour pour les observations durant la période récente (couleur cyan) et pour les différentes périodes pour les simulations EURO-CORDEX.
La probabilité d’un tel événement a-t-elle changé avec l’influence humaine ?
Les probabilités de dépassement de la valeur de décembre 2015 de l’indicateur thermique pour différentes périodes de temps, entre 1971 et le milieu du siècle prochain, ont été comparées.
Pour cela, un ensemble de 11 simulations climatiques (projet EURO-CORDEX) a été utilisé, après calibration grâce à une méthode statistique innovante développée à l’IPSL. Il montre une influence humaine très claire (Figure 2). Pour cette méthode d’attribution non conditionnelle, la probabilité d’obtenir une température mensuelle supérieure à l’observation est très faible, aujourd’hui sa période de retour est estimée à plusieurs centaines d’années. La probabilité d’occurrence au cours de la période 1971-2000 est encore beaucoup plus faible, le changement d’intensité des extrêmes entre ces deux périodes étant d’environ 0.6°C. De telles températures se produiraient avec une période de retour d’une cinquantaine d’années dans le futur proche (2021-2060), et une quinzaine d’années vers le milieu du siècle. Il s’agit donc d’un signal en forte émergence.
Ces résultats sont cohérents avec ceux fournis par les modèles de climat globaux servant de base à l’écriture des rapports du GIEC. En effet, ces modèles indiquent également un réchauffement des températures moyennes et extrêmes pour toutes les saisons, même s’il est moins marqué l’hiver que l’été dans nos régions.
Que peut-on en conclure ?
Des températures égales ou supérieures à celles de décembre sont à attendre dans le siècle à venir avec une fréquence croissante, mais resteront quand même relativement rares (durée de retour d’environ 10 ans en fin de XXIème siècle). D’après l’analyse faite sur les simulations climatiques, ce type d’événement est extrêmement peu probable dans un climat sans influence humaine. Dans la limite des méthodes employées, il est donc possible de conclure que ce type d’événement est donc extrêmement peu probable dans un climat sans influence humaine, mais deviendra de plus en plus probable au cours du XXIème siècle sans réduction d’émission de gaz à effet de serre.
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