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L’essentiel
Les cumuls de pluie de l’hiver 2013-2014 ont dépassé les records des 50 dernières années sur la Bretagne où ils ont engendré des inondations majeures. Cet événement est dû à la persistance d’une circulation atmosphérique avec des vents de Sud-Ouest, chargés d’humidité. Pour des circulations analogues prises entre 1951 et 1982, les cumuls auraient été plus faibles que pour les circulations de la période plus récente. Les simulations climatiques régionales reproduisent difficilement les forts cumuls sur l’hiver, et ne montrent pas de changement significatif des propriétés des extrêmes depuis 1971. Il est donc impossible, avec les résultats obtenus ici, de conclure à un changement dû aux activités humaines pour ce type d’extrême.
L'événement
Durant l’hiver 2013-2014, la France a été sous l’influence dominante d’un courant perturbé atlantique. La Bretagne a connu une succession de perturbations très actives souvent accompagnées de tempêtes et forts cumuls de précipitations, qu’ont contribué à saturer les sols. Ainsi, le nombre de jours de pluie significative (pluie supérieure à 1mm) est compris entre 50 et 80 jours, de l’Ille-et-Vilaine au Finistère, soit 15 à 20 jours de plus que la normale. Les cumuls, compris sur la saison entre 350 et 1000 mm, sont une fois et demi voire localement plus de deux fois supérieurs à la normale. Sur l’ensemble de la Bretagne, la pluviométrie de cet hiver 2013-2014 est la plus élevée de la période 1959-2014, devant celle de l’hiver 1994-1995.
Ces pluies exceptionnelles, conjuguées aux submersions marines lors des grandes marées de janvier et février ont provoqué de sévères inondations en Bretagne. La persistance remarquable au cours de l’hiver des circulations associées à un flux de sud-ouest peut être mise en évidence via le nombre de jours de type NAO+ qui est record sur la période étudiée (1980-2014). À l’inverse, le nombre de jours favorables aux situations froides (circulation atmosphérique de type « blocage ») est un record bas. Pour analyser le rôle du changement climatique, nous limitons l’analyse à la Bretagne et aux forts cumuls saisonniers. Nous utilisons pour cela le cumul saisonnier sur 3 mois (Décembre à Dévirer), moyenné sur 6 sites bretons avec des séries quotidiennes de référence pour les analyses.
Figure 1 : Caractérisation du caractère exceptionnel des précipitations de l'hiver 2013-2014 avec l'indicateur agrégé de précipitations à l'échelle de la région Bretagne.
Comment un tel événement est-il lié au changement climatique ?
Avec une circulation de vents similaires, l’intensité de l’événement aurait-elle été aussi forte dans un climat avec moins d’influence humaine ?
Nous utilisons une première approche basée sur les analogues de circulation. Cette méthode consiste à reconstruire des cumuls de précipitation moyens à partir des situations de vents similaires à celles effectivement observées, en faisant le calcul pour deux périodes climatiques différentes : 1951-1982 et 1983-2014. Nous trouvons une différence sensible entre les hivers reconstruits avec des analogues de ces deux périodes (figure 2).
La valeur effectivement observée en 2014 n’est pas extrême dans la distribution reconstruite pour la période récente. Cette différence peut être interprétée comme une augmentation des risques de fortes précipitations dans les conditions de circulation de l’hiver 2013-2014. Toutefois il est nécessaire de rester prudent quant à une interprétation en termes d’attribution, la variabilité inter-décennale étant forte et les observations utilisées étant courtes (65 ans).
La probabilité d’un tel événement a-t-elle changé avec l’influence humaine ?
Si le dernier rapport du GIEC indique, dans de nombreuses régions dont la nôtre, une augmentation des extrêmes de précipitations sur des durées courtes (1 à 5 jours), aucun constat n’est établi pour des événements plus longs – couvrent par exemple une saison entière, à l’image de celui étudié ici. Par ailleurs, l’évolution du cumul moyen de précipitation en hiver demeure relativement incertaine dans nos régions. Il est donc difficile de renseigner, sur cette base, l’éventuel impact des activités humaines sur ce type d’événement.
Pour répondre à cette question, nous avons utilisé un ensemble de 10 simulations EURO-CORDEX récent corrigées des biais. Ces simulations permettent d’analyser plusieurs périodes climatiques : une période historique avec une influence humaine limitée (1971-2000), une période appelée « actuelle » (2001-2030) et plusieurs périodes futures, et de comparer les probabilités de dépasser le seuil de l’événement observé.
Nous avons montré que les modèles ont, en réalité, une difficulté à simuler des valeurs aussi extrêmes que celle observée en 2013-2014. Les valeurs extrêmes simulées tendent à être plus faibles. Cela est probablement dû à une difficulté à reproduire la persistance des pluies modérées à forte dans cette région. Avec l’ensemble de modèles utilisé, l’incertitude est clairement trop forte pour permettre d’identifier un changement significatif de probabilité d’occurrence d’un événement tel que celui de 2013-2014.
Cela vaut aussi bien pour le passé récent que pour le futur proche. Les valeurs fortes, mais inférieures à 500 mm, montrent toutefois une évolution apparemment significative pour le milieu de siècle.
Figure 2 : "Diagramme en boîte*" des précipitations moyennes journalières (indicateur n°2) sur la Bretagne observées en 2013-2014 (trait rouge), et reconstruites avec les précipitations des hivers pour les circulations journalières analogues prises au cours de 2 périodes passées. La ligne pointillée représente la valeur moyenne des cumuls hivernaux.
* Représentation d’une distribution de valeurs de la valeur minimale à la valeur maximale sous forme de « quartiles » ; les valeurs minimales et maximales sont à l’extrémité du trait fin vertical, les limites inférieures et supérieures de la boîte correspondent au premier et troisième quartile, et la médiane est représentée par le trait horizontal dans la boîte.
Que peut-on en conclure ?
Il n’a pas été possible de détecter des changements significatifs dans les extrêmes des simulations climatiques, malgré une tendance dans les observations, qui peut toutefois être due à la variabilité climatique naturelle. La méthode des analogues de circulation montre que l’événement est quasiment entièrement dû à la dynamique très particulière et persistante durant cet hiver. Les simulations climatiques reproduisent avec difficulté la persistance des pluies, et aucune différence significative n’est trouvée dans les périodes de retour de tels cumuls saisonniers pour différentes périodes climatiques. En conclusion, il est impossible, avec les résultats obtenus ici, de conclure à un changement de risque dû aux activités humaines.
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