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L’essentiel
Les pluies journalières les plus fortes sur le pourtour méditerranéen ont une amplitude qui a augmenté de 20 % environ (incertitude ±15%) entre 1960 et aujourd’hui. En automne, sur les Cévennes, la probabilité de dépasser aujourd’hui des seuils élevés (300 mm/jour), comme ceux observés en 2014, a environ triplé en 65 ans ; Il est difficile d’expliquer les tendances sans invoquer l’influence humaine sur le climat. Toutefois, les modèles climatiques sont encore trop imprécis en résolution pour simuler explicitement les phénomènes orageux. De nouveaux résultats sont attendus dans les quelques années à venir avec les expériences prévues dans les projets de recherche en cours.
L'événement
Durant tout l’automne 2014, la France est restée sous l’influence d’un régime perturbé de sud piloté par un vaste système dépressionnaire persistant. Cette situation a favorisé la remontée de masses d’air chaud et très humide en provenance de la Méditerranée. À partir de mi-septembre, dix épisodes de pluies particulièrement violents ont touché le sud-Est du pays. Ce type de situation n’est pas rare dans cette région et à cette période de l’année. Toutefois, cette succession d’épisodes méditerranéens revêt en 2014 un caractère remarquable par le nombre d’événements observés (record depuis le début des mesures) et par l’intensité des précipitations, même si des séquences comparables ont déjà été observées par le passé, par exemple en 1995 (neuf épisodes en automne) et en 2003 (huit épisodes en automne).
Figure 1: Anomalie du cumul mensuel des précipitations agrégé par département en pourcentage de la normale (moyenne 1981-2010).
Ainsi, de nombreux records de cumuls sur la saison ont été battus avec par exemple 722 mm, à Bormes-les-Mimosas (var), 1072 mm à Saint-Gervais (Hérault), 1366 mm à Génolhac (Gard), 1469 mm à Villefort (Lozère) et 1744 mm à Montpezart (Ardèche). Sur l’automne, on a recueilli en moyenne sur le département de l’Hérault plus de 600 mm, soit près de deux fois la normale, ce qui constitue un record sur la saison. À l’échelle des départements (Figure 1), l’anomalie du cumul de précipitation dépasse généralement 150 % sur l’arc Méditerranéen et atteint 220 % sur l’Ardèche.
La persistance remarquable, au cours de l’automne 2014, de situations météorologiques correspondant à un régime de temps appelé « blocage » peut être mise en évidence. Le nombre de jours de blocage (plus d’un jour sur deux en 2014) arrive largement en tête (période 1979-2014) devant 2003 et 2011.
Comment un tel événement est-il lié au changement climatique ?
Que disent les observations ?
Deux études ont été réalisées : la première (Vautard et al., 2015, « Bulletin of the American Meteorological Society ») utilise les données de 14 longues séries de référence (LSR) sur les Cévennes (Figure 2) afin d’étudier les tendances des cumuls maximaux journaliers d’automne. Ces 14 stations sont sélectionnées pour avoir des distributions d’automne relativement similaires.
La seconde étude (Ribes et al., 2018, « Climate Dynamics ») généralise la première et utilise l’ensemble de stations météorologiques disponibles sur le pourtour méditerranéen afin de ne pas particulariser le massif des Cévennes.
Figure 2: Tendances des maxima d'automne des cumuls journaliers des LSR de l'Hérault, du Gard et de l'Ardèche pour 14 stations, et leur moyenne (courbe rouge).
Dans les deux cas, les observations montrent une tendance significative à l’augmentation de l’intensité des pluies journalières extrêmes, de l’ordre de 20 % entre le milieu du XXème siècle et aujourd’hui, avec une incertitude substantielle (environ ±15%) sur ce chiffre. La probabilité de pluies extrêmes comme celles de 2014, de plusieurs centaines de mm/jour, a significativement augmenté, notre « meilleure estimation » étant un facteur 3. Une analyse des fréquences observées d’événements dépassant un seuil fixe a également été réalisée. Nous avons trouvé une augmentation significative de ces fréquences pour des seuils élevés (200 mm au moins).
Que disent les simulations climatiques ?
Les simulations utilisées dans le dernier rapport du GIEC (2013) suggèrent une intensification des extrêmes quotidiens de précipitations, tels que ceux étudiés ici, sur la plupart des régions continentales de moyennes latitudes, ce qui inclut la France métropolitaine. Néanmoins, les modèles climatiques utilisés, compte tenu de leur résolution grossière (100 km ou plus), ne permettent pas de reproduire des événements comparables à ceux observés, ni de tenir compte des spécificités topographiques et climatiques de cette région. Une analyse préliminaire des simulations climatiques régionales a été effectuée et est en cours de finalisation (Luu Nhat et al., 2018).
Cette analyse montre (i) les modèles ayant une résolution élevée (12 km) simulent encore difficilement les phénomènes orageux à l’origine de ces pluies, un facteur deux en dessous des observations, (ii) après correction de ces biais, les simulations montrent un comportement similaire aux observations, avec une augmentation significative de l’intensité des pluies extrêmes en automne dans la région des Cévennes.
Que peut-on en conclure ?
Les pluies méditerranéennes, particulièrement marquées dans le massif des Cévennes, ont subi une augmentation importante (environ 20%). Le signal a pu être détecté ans les observations malgré une variabilité interannuelle très forte, qui explique une incertitude d’environ ±15 % sur le l’ampleur de l’intensification. Le signal est émergent, il ne devient significatif que récemment, et il est surtout présent pour les forts cumuls, au-delà d’un seuil de 200 mm/jour. Des résultats similaires sont obtenus à partir des simulations EURO-CORDEX, en comparant deux périodes de climat décalées de 30 ans. Ces éléments semblent montrer un rôle du changement climatique d’origine humaine dans l’augmentation des probabilités d’occurrence d’événements similaires à ceux observés. Toutefois une certaine prudence est à conserver, car les phénomènes qui sont en jeu sont représentés de façon indirecte dans ces modèles. Les nouvelles expériences prévues dans le cadre du projet international CORDEX, et le développement de modèles capables de simuler explicitement les cellules orageuses, devraient permettre de mieux répondre à cette question.
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